Mon nouveau Roman : Henri Matisse Quand l’aube se détache de la nuit

J’ai le plaisir de vous annoncer la parution de mon nouveau roman :
 » Henri Matisse, Quand l’aube se détache de la nuit  » 
collection littéraire AMARANTE, L’Harmattan. Printemps 2019.

Ce roman s’inspire du premier voyage d’Henri Matisse en Bretagne.

À l’été 1895, l’étudiant-peintre a 25 ans et encore très attaché à la palette sombre des maîtres qu’il étudie au Louvre. Belle-Île-en-Mer, avec ses couleurs et sa lumière, est un dépaysement total et un choc pictural. Extrêmement angoissé et écrasé par l’exubérance de la nature sauvage, il quitte l’île pour gagner l’extrême pointe du Finistère, désenclavée depuis peu par le train. Matisse s’installe à Pont-Croix puis dans le village de Beuzec-Cap-Sizun où il se lie d’amitié avec une petite gardienne de porcs.

Ce premier séjour en Bretagne ne tardera pas à libérer Matisse du poids du passé et faire éclore en lui une palette plus lumineuse et plus colorée.

Pour commander le livre :

https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=62818

Entretien avec Eliane Faucon-Dumont, journaliste au Télégramme de Quimper :

La Bretagne, sous couvert de romans vous trouvez toujours le moyen d’y revenir, vous qui en êtes éloignée ?

Dans les années 50, mes parents tombent amoureux de la Bretagne et ils quittent Paris pour s’installer dans la petite école de Kersain-Plabennec. Ma mère y fait la classe (et mon enfance est bercée par des chants bretons qu’elle chantait avec ses élèves.) À cette époque, mon père, artiste peintre, découvre la beauté naïve et épurée de la statuaire bretonne et s’adonne à l’Art Sacré, tout en continuant ses recherches dans la peinture abstraite. Petite, j’aime l’accompagner dans les carrières de granit où il va choisir ses blocs de pierre. Les dimanches, il emmène sa grande famille visiter les chapelles et les églises. 

Mon imaginaire d’enfant a donc baigné dans la richesse de cette culture bretonne et ma terre natale. Et même si, à dix-huit ans, je me suis exilée au Pays-bas pour suivre une formation d’arts plastiques puis m’y suis installée pendant 40 ans mes racines profondes restent attachées à la Bretagne. C’est la raison pour laquelle, tout naturellement, j’y puise mon inspiration.

Après Télémaque, voici que vous consacrez votre nouveau roman à Matisse et en particulier à ce voyage qu’il effectua avec d’autres peintres en Bretagne. Vous racontez qu’ici il trouve sa véritable expression ?

Lors de son premier voyage en Bretagne, à l’été 1895, Henri Matisse était un jeune étudiant inconnu et encore très attaché à sa palette Flamande : des noirs, des gris, des bruns rouges et des verts terreux. Au Louvre, il copiait les maîtres anciens, apprenant leur pensée et leurs techniques. 

Matisse, qui sera plus tard le grand précurseur de l’art moderne, refusait, à cette époque, à admettre les artistes d’avant-garde qui prônaient le rejet des règles du passé. L’étudiant peintre ne connaissait pas encore les trois grands maîtres du post-impressionnisme : Cézanne, Van Gogh et Gauguin.

Pour Matisse, Belle-Île-en-Mer est un dépaysement total et un séisme pictural. Il se sent extrêmement angoissé et écrasé par l’exubérance de la nature sauvage. La luminosité y est aveuglante, la mer, tumultueuse. Matisse est un gars du Nord. Il a grandi à Bohain, cette petite ville picarde, située au milieu de grandes plaines plates et mornes, où les fumées d’usines rendent souvent les ciels maussades. Pour la toute première fois, il voit d’autres paysages et découvre une lumière palpitante et des couleurs qui lui sont jusqu’ici inconnues. Imaginez les voiles rouges des chaloupes sur une eau turquoise !

Il y a des moments d’incubation pour l’évolution d’une œuvre. Matisse disait qu’il fallait se faire au pays, à l’atmosphère nouvelle. L’étudiant devait franchir cette étape de mutation. C’est une des alchimies de la création. 

Matisse reviendra à Belle-Île pendant trois étés successifs en 1895, 1896 et 1897 et ses séjours vont bousculer son rapport à la couleur. Au cours de l’été 1896, il se lie d’amitié avec le peintre australien John Peter Russell, ami de Van Gogh, qui lui enseigne la théorie des couleurs…

Fils de grainetier, Matisse compare l’épanouissement de sa peinture à la croissance d’une graine : « C’est comme ces plantes qui courent en prenant racine : l’extrémité suppose tout le reste. » Il veut à la fois respecter le passé et s’en libérer.

Cette amitié avec la jeune Roz qui vit à la Pointe du Raz vous l’avez inventée?

Non, je n’ai pas inventé cette petite gardienne de porcs qui figure sur le tableau de Matisse, en couverture de mon livre. En fait, elle s’appelait Azénor Bétrom. Elle avait 8 ans lorsqu’elle a rencontré le peintre qui logeait à l’auberge de son oncle, Jean Pérennes. La petite maison à un étage était située à deux pas de l’église de Notre Dame de la Clarté à Beuzec-Cap-Sizun. 

Écrire un roman entraîne parfois l’auteur à faire de belles rencontres humaines. À Beuzec, j’ai fait la connaissance de Marcel Faussier qui me parlait de ses abeilles. Lorsque je lui ai demandé pour quelle raison il y avait une rue Henri Matisse dans le village, il m’a raconté que le grand peintre avait séjourné dans la maison de ses aïeux. Le grand-père de Marcel, instituteur au village, avait épousé la sœur d’Azénor. Dans ses cahiers de souvenirs, riches en anecdotes, le grand-père de Marcel dépeignait l’auberge, son débit-épicerie, ses habitants et le minuscule cabinet qu’avait occupé le célèbre peintre. Azénor accompagnait Matisse au bord de la mer et c’était elle qui portait sa boite de peinture. 

Vous êtes vous-même sculpteur, y-a-t-il aussi un fait particulier qui vous permet, tout comme Matisse de trouver votre voie?

Je suis surtout peintre. Quand je vivais à Rotterdam, mes peintures étaient plus expressionnistes, plus sauvages, influencées certainement par l’agressivité de la ville. Mes gravures en noir et blanc ressemblaient à des graffitis. Lorsque j’ai eu des enfants, j’ai ressenti l’appel de la nature et nous avons déménagé à la campagne. Pour moi, la nature c’est le cœur de la vie et nous ne devons pas nous couper d’elle comme nous le faisons aujourd’hui. L’origine de la vie sur terre est devenue la source de mon inspiration. La beauté et l’intelligence de la nature m’ont aidée à formuler mon propre langage pictural. 

Matisse était un être tourmenté, sans cesse interrogé. Sa vie fut traversée par trois guerres, pourtant, la violence et les sujets inquiétants furent absentes de sa peinture. Aspirant à la tranquillité, il a toujours essayé de mettre du calme dans ses toiles. Et comme il avait raison lorsqu’il disait : « On a qu’une idée. On naît avec, et toute sa vie durant on développe son idée fixe, on la fait respirer ». 

Être artiste permet de parler des autres artistes d’une certaine manière?

J’ai ressenti comme un privilège de migrer dans la cervelle de Matisse. En écrivant ce roman, j’ai dû faire confiance au peintre que je suis. Ce qui m’intéressait c’était de comprendre et de retracer le cheminement de Matisse vers les prémices d’une nouvelle peinture. Décrire ses doutes, ses angoisses, ses tâtonnements, ses échecs et ses trouvailles. 

Matisse était une personnalité aux facettes multiples : c’était un homme d’une grande intelligence et pince-sans-rire aussi. Opiniâtre, combatif, il avait hérité de la rigueur et de la créativité des tisserands, qu’il avait côtoyé dans son enfance bohainoise. Matisse c’est l’histoire d’un acharnement constant, d’une quête éternelle qui était son moteur. Chez lui, rien n’était facile ou acquis…